Les réformes économiques en cours et le trou d’air de nos voisins européens font redécouvrir aux investisseurs étrangers les atouts de l’Hexagone, qui ne capte pas encore les mégaprojets.

Début 2019, le laboratoire pharmaceutique anglo-suédois AstraZeneca a inauguré l’extension de son usine de Dunkerque (Nord). L’investissement de 132 millions d’euros, pour automatiser plusieurs chaînes de production et augmenter la capacité du site spécialisé dans les médicaments inhalés, a permis de créer 130 emplois. “Il y a un vrai savoir-faire et une réputation de la France en matière d’innovation importante. La dynamique des réformes redonne confiance”, souligne Olivier Nataf, le président France d’AstraZeneca. Et dans les prochains mois, le groupe prévoit d’ouvrir un centre d’innovation européen, pour soutenir des start-up dans le secteur de la santé. À l’autre bout du pays, l’américain Collins Aerospace a injecté cet été 32 millions d’euros pour faire de son site de production d’hélices de Ratier-Figeac (Lot), une usine 4.0. Dans la foulée, l’usine qui emploie déjà 1 500 salariés devrait recruter 150 personnes avant la fin 2020.

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Selon le baromètre EY, la France a capté l’an passé plus de projets d’implantation ou d’extension de sites de production et de centres de R & D que l’Allemagne et le Royaume-Uni réunis. Et son image auprès des dirigeants est en nette amélioration. La raison ? Les réformes menées depuis cinq ans – simplification du droit du travail, baisse de la pression sociale et fiscale sur les entreprises. Et 98 % jugent positivement la politique économique, en particulier la baisse engagée de l’impôt sur les sociétés, la bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et la réforme de l’assurance chômage. Le coût horaire du travail est désormais bien inférieur à celui de l’Allemagne, à 38,40 euros de l’heure contre 41,40 euros, même s’il a à nouveau progressé plus vite au cours des douze derniers mois.

Surmonter la lenteur administrative

L’Hexagone profite aussi du trou d’air de ses voisins. Empêtrée dans le Brexit, la Grande-Bretagne a vu son attractivité fortement reculer par rapport à celle de la France, tout comme l’Italie et l’Espagne gagnées par l’instabilité politique. Les ratés du moteur industriel allemand, touché de plein fouet par la guerre commerciale, rendent aussi le grand voisin d’outre-Rhin moins attirant. Certes, pour l’essentiel, les projets d’implantation sont des extensions de capacité. Et souvent de bien plus petites tailles – une vingtaine de salariés en moyenne par projets selon EY – que les projets d’ouverture de sites menés en Europe de l’Est. “Mais il ne faut pas les négliger pour autant, car c’est un gage de confiance”, pointe Pascal Cagni, le président de Business France qui se bat pour que GE Healthcare étende son activité à Buc (Yvelines) plutôt que d’ouvrir un nouveau site en Hongrie. Les entreprises étrangères représentent 25 % de la R & D française. Mais “il ne faut pas non plus que les investisseurs nous mettent dans le ghetto de la R & D. Les sites industriels de grands volumes peuvent également venir chez nous. Nous allons avoir la 5G, les infrastructures sont de qualité”, argumente Pascal Cagni. Avant de reconnaître “qu’il y a encore un mur de french bashing à surmonter avec des idées préconçues dans les directions opérationnelles”.

L’amélioration de l’attractivité n’empêche d’ailleurs pas les ratés. La France a un temps caressé l’espoir d’attirer l’usine européenne de Tesla qui a finalement choisi Berlin. Mais a rapidement compris que la concurrence ne boxait pas dans la même catégorie. La France conserve un point faible, la lenteur administrative. “Le seul moyen de résoudre notre déficit de balance commerciale est d’attirer des investissements de production. Il faut accélérer leur implantation”, pointe Louis Gallois, l’ancien patron de la SNCF et d’EADS qui préside la Fabrique de l’industrie. Pour gagner sur ce terrain, le gouvernement a lancé au printemps un French fab investment desk, un guichet unique chargé d’épauler les industriels – français et étrangers – dans leurs démarches administratives pour créer de nouvelles usines ou étendre leurs sites existants. Objectif ? Offrir aux grands groupes “un suivi individualisé et sur mesure” du package financier à la mise en exploitation en aval, alors que des référents investissements sont déjà en place dans chaque région.

Source : SOLÈNE DAVESNE – L’Usine nouvelle – PUBLIÉ LE