Aujourd’hui et demain, un colloque national est organisé à Decazeville au cinéma La Strada. Une trentaine de communes françaises devraient participer à l’événement qui réunira élus locaux, départementaux, parlementaires, chercheurs, anthropologues, chefs d’entreprise. Le colloque porté par des élus de la municipalité devazevilloise, vise à lutter contre le processus de «désindustrialisation».

 
La place des services publics y sera abordée et notamment les contraintes budgétaires supportées par les collectivités territoriales. Se fédérer pour être mieux entendus au niveau de l’Etat, c’est là aussi l’objectif de ces rencontres où des solutions seront explorées pour inverser la courbe démographique de ces villes rurales. Le tissu économique, constitue aussi un enjeu fort sur un territoire. Nous avons donc rencontré Eric Nottez, PDG de la SNAM à Viviez qui participe à ce colloque, mais aussi Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour dans le Cantal, président délégué de l’Association des petites villes de France.

Eric Nottez, PDG de la SNAM à Viviez

Eric Nottez est chef de l’entreprise de la SNAM, spécialisée dans le recyclage de batteries suite à l’arrêt de la production de zinc brut de l’usine Vieille Montagne (Umicore) en 1987. La société emploie 105 personnes.

Qu’allez-vous chercher à ce colloque?

Nous avons un projet «Phœnix» de création de batteries de stockages électriques pour les entreprises avec 645 postes à la clé. On voudrait que l’usine soit située à proximité du Bassin, pourquoi pas Decazeville, Cransac, près du recycleur de la SNAM car il repose sur un partenariat avec l’usine. L’intérêt de ce colloque est de pouvoir échanger sur les meilleures pratiques de développement économique et fédérer toutes les énergies. Pour que notre projet aboutisse, il y a différentes étapes : apporter des emplois, des logements, du commerce et du service. Il faut donc que les initiatives autour puissent être convergentes, comme la commune qui rénove des habitats.

Que faut-il pour attirer des entrepreneurs aujourd’hui dans des territoires ruraux ?

Si vous restez sur des équations traditionnelles de subventions, de primes pour s’installer, ce ne sont pas des projets pérennes. Pour que ça fonctionne, il faut un ensemble d’acteurs avec une volonté commune. On a des entreprises locales avec qui on travaille, on va essayer de développer ces activités sur le territoire. La mobilisation de la mairie de Decazeville est exemplaire à ce niveau-là.

Après la désindustrialisation, il y a l’étape de transition avec les métiers de demain?

Quand un métier meurt sur un territoire, c’est qu’il n’y avait pas d’avenir. Par contre, derrière, il faut trouver de nouvelles activités qui suscitent l’investissement. Une fois que cette richesse est créée, derrière, des activités de tertiaire peuvent se développer.

Le maintien des services publics est aussi un atout d’attractivité ?

C’est crucial. Comment puis-je créer une entreprise si je ne trouve pas de salariés, comment puis-je trouver des salariés s’ils n’ont pas d’hôpitaux, de médecins, de bureaux de postes. L’hôpital est un service vital, c’est un apporteur d’emplois très important. J’ai beaucoup de salariés dont la famille travaille dans ce secteur.

Comment attirer les jeunes aujourd’hui sur des territoires ruraux ?

Les jeunes partent vers des grandes métropoles avec des choix d’études intéressants pour leur avenir. Ils ne reviennent pas car ils ne trouvent pas d’emplois pouvant les satisfaire. Il faut donc créer des emplois de tous corps de métier.

Vous avez également un projet de reprise des salariés de la SOPAVE.

On ne peut pas créer un projet et regarder notre voisin mourir. J’ai des salariés dont les conjoints travaillent chez SOPAVE. Cette reprise s’inscrit dans une logique de prendre soin des habitants de la communauté.


Pierre Jarlier : «Il y a des disparités fiscales et de ressources entre collectivités»

Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour dans le Cantal, est également président délégué de l’Association des petites villes françaises (Apvf). Il sera présent aujourd’hui aux «Rencontres de Decazeville».

Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à ce colloque?

La solidarité des territoires est essentielle pour aménager une vraie politique d’aménagement des territoires. Decazeville comme beaucoup de petites villes connaît des difficultés. Les projets structurants sont souvent situés sur des pôles très urbains.

On peut parler d’un phénomène de métropolisation?

Oui, aujourd’hui on assiste à un phénomène très fort de métropolisation. Les populations se concentrent sur les pôles métropolitains. Il faut donc veiller à un certain équilibre et une cohésion des territoires. Mais il y a une évolution des comportements des gens, il y a aussi une volonté de vivre dans un cadre plus préservé et de retourner vers des secteurs ruraux où le cadre de vie est préservé.

Vous parlez de cadre de vie, quel est le rôle des services publics dans l’attractivité des territoires?

Pour que ces villes soient vraiment attractives il faut des services de santé, une offre de soin de qualité, de bons services éducatifs. Il faut aussi des formations qualifiantes, mais pour ça il faut que les services publics, de proximité soient maintenus avec l’appui des intercommunalités.

Vous êtes président délégué de l’Apvf. De quoi les petites communes souffrent-elles le plus selon vous?

Il y a des villes périurbaines qui sont souvent des villes-dortoirs. Elles ont beaucoup de mal aujourd’hui à offrir l’attractivité nécessaire car elles n’ont pas les moyens de les mettre en place. Elles doivent bénéficier de la solidarité nationale et des métropoles. Elles souffrent car elles voient aussi leurs actifs agricoles diminuer.

Que mettez vous en place à l’Apvf?

On a plaidé la semaine dernière lors d’une rencontre avec le premier ministre pour que soit mise en place une solidarité financière, «le 1% métropole», un prélèvement sur les recettes des métropoles qui serait affecté aux territoires dans le besoin. Il y a des disparités fiscales et dans les ressources des collectivités. Les petites villes ont une pression fiscale plus forte parce qu’il y a moins d’habitants et donc moins de contributeurs. On attend plus d’équité fiscale entre les territoires. Il y a des disparités très fortes dans les dotations entre les métropoles et les petites villes. On plaide pour une réforme profonde des dotations pour diminuer ces écarts de richesses .

Comment inverser la courbe démographique des territoires ruraux ?

Le numérique peut être une réponse pour que les entreprises soient plus compétitives. Les territoires doivent être désenclavés sur le plan numérique.


Trois questions à François Marty, maire de Decazeville, dans l’équipe à l’origine du colloque

Expliquez-nous l’objectif de ce colloque ?

Il s’agit d’un rassemblement de communes qui ont connu comme Decazeville, la désindustrialisation. Nous allons voir ensemble comment élaborer une stratégie territoriale, avec un projet pour repenser le territoire, échanger ensemble sur les meilleures pratiques.

Sur quoi peuvent déboucher ces rencontres ?

Elles peuvent aboutir sur des opérations concrètes. Il y aura un rendu écrit réalisé pour tous les participants .

Une trentaine de villes y participent. Plus on est nombreux, plu s on est entendus ?

Oui ce colloque doit nous permettre d’être mieux reconnu et entendu au niveau de l’État. Les villes rurales sont confrontées à un problème de métropolisation à outrance. On attire le maximum d’habitants sur les métropoles, en contrepartie nos territoires ruraux subissent la désertification. Au moment où l’on parle d’économie verte, de haut débit, on pense que des solutions existent. Mais à condition d’être aidés par les pouvoirs publics. Il faut aussi être inventifs . Ce sont les acteurs locaux qui feront émerger des idées nouvelles.

Source: Propos recueillis par Aurore Cros – www.ladepeche.fr – Publié le 07/06/2018 à 07:47 – Des idées pour combattre la désertification rurale