L’Afpa de Limoges Romanet organisait jeudi 21 mars une journée de découverte de métiers qui recrutent dans le cadre du Mois de l’égalité en Nouvelle­-Aquitaine et de la Semaine de l’industrie. Parmi les visiteurs, sept femmes engagées dans une initiative inédite de retour à l’emploi baptisé « Un projet à contre-courant ». Autrement dit, envisager concrètement une carrière dans le bâtiment ou l’industrie.

« Combien de femmes sont actuellement formées chez nous ? Pas assez ! Il n’y a aucun métier incompatible, aucun métier interdit. Tous nos plateaux sont ouverts et accessibles. »

Le directeur des centres Afpa de Limoges, Bruno Jean, ne le cache pas : l’état des lieux qu’il dresse de la fréquentation des lieux, dédiés aussi bien aux métiers du bâtiment que de l’industrie ou du tertiaire, ne le satisfait pas complètement. Concrètement, environ un quart des stagiaires actuels sont des femmes. A l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, la part des stagiaires femmes était de 28,4 % en 2016.

On en est encore aux balbutiements mais on avance.

« On en est encore aux balbutiements mais on avance », souffle Karen Garwood, consultante en transitions professionnelles, qui travaille depuis deux ans à la promotion de carrières à laquelle encore peu de femmes songent, question de « culture ».

Peinture, chaudronnerie, électricité…

Les secteurs d’activité les moins impactés par ces a priori et donc ceux dans lesquels la mixité se développe le plus : la peinture, la soudure et la chaudronnerie ainsi que le métier d’agent d’entretien du bâtiment, lequel touche à tout ce qui embellit un bâtiment, de la pose de cloisons ou d’un parquet à l’installation électrique, en passant par le remplacement des fenêtres ou la peinture.


Bruno Jean, directeur de l’Afpa Limoges, et Karen Garwood, consultante en transitions professionnelles, plaident pour l’accès des métiers du bâtiment de l’industrie aux femmes. Lesquelles affichent d’excellents résultats aux examents de fin de formation.

Ce sont justement les ateliers qui ont le plus séduit les sept femmes de l’initiative « Un projet à contre-courant » venues passer la journée à l’Afpa.  Depuis début février et jusqu’à début mai, dix femmes issues des quartiers de Limoges travaillent à un retour vers l’emploi avec le CIDFF (centre d’information sur les droits des femmes et des familles) et la Boutique Club emploi, qui aide les demandeurs d’emploi dans leurs démarches.

la principale difficulté à la mixité dans certaines professions, c’est de trouver des femmes intéressées ! Les stéréotypes commencent dès le berceau… Pourtant les préjugés se trompent, on a des représentations erronées de ces professions.

Karen Garwood (Consultante en transitions professionnelles à l’Afpa )

L’idée est de leur faire découvrir des secteurs d’activités vers lesquels elles n’auraient ni l’idée ni l’audace de se tourner car étiquetés « masculins ». Alors autant dire que cette journée d’immersion à l’Afpa Romanet, à la découverte de onze métiers, dont quatre pour lesquels elles ont pu enfiler les gants ou les lunettes de protection, était faite pour elle.


Souvent étiqueté comment étant trop physique, exposé aux conditions météo, le métier de maçon peine à attirer des femmes. L’initiative de ce jeudi a ravi les participantes, séduites notamment par le côté restauration de bâtiments anciens.

Car « la principale difficulté à la mixité dans certaines professions, c’est de trouver des femmes intéressées ! Les stéréotypes commencent dès le berceau… Pourtant les préjugés se trompent, on a des représentations erronées de ces professions. Par exemple, ce sont des emplois en tension aux horaires et à la stabilité tout à fait compatibles avec la vie de famille, bien plus que des métiers étiquetés “féminin” comme dans la santé ou l’aide à la personne. »

Chez Legrand, le réseau elle@legrand.fr œuvre en interne pour promouvoir la mixité

Des corrections à apporter bien en amont, auprès de ceux qui accompagnent les demandeuses d’emploi, pour lutter efficacement contre ces méconnaissances : « il faut “outiller” les conseillers pour qu’eux aussi sachent que ces métiers-là sont possibles et donc envisageables. »

Possibles et envisageables, les choses le sont concrètement pour le petit groupe du « Projet à contre-courant », ravi d’avoir pu partager un peu du quotidien de futurs professionnels encadrés par des formateurs « qui ont transmis avec passion leur amour de leur métier, on a été très bien accueilli ».

« Moi, je ne connaissais rien et j’ai tout aimé ! »

Possibles et envisageables, les choses le sont peut-être un peu plus pour Fagueye, 36 ans et un parcours professionnel jusque-là chaotique, à peine éclairé d’une expérience en insertion dans les espaces verts. « Moi, je ne connaissais rien et j’ai tout aimé ! » assure-t-elle d’un sourire lumineux.


Fagueye a adoré porter le casque de soudure, elle se verrait bien travailler dans la chaudronnerie, un métier où « on imagine ce qui n’existe pas », assure Krimo, formateur sur le site de Romanet.

« Participer au projet me fait du bien, ça me permet d’avancer en me donnant confiance en moi et aujourd’hui j’ai appris qu’une fille peut faire tous les métiers qu’elle veut ! Je vais revenir à l’Afpa. » Ce sera pour suivre une formation dans la chaudronnerie. Ou peut-être la maçonnerie, tiens. De quoi communiquer son sourire à Bruno Jean.

« Un projet à contre-courant » – Engagés dans des démarches de retour vers l’emploi ainsi que de défense ou développement de la mixité, le CIDFF (centre d’information sur les droits des femmes et des familles) et la Boutique Club emploi ont conjointement répondu et remporté un appel d’offres de Limoges métropole dans le domaine de la lutte contre les discriminations. La phase collective, de trois mois et dominée par cette journée à l’Afpa, se terminera le 2 mai. Suivront des accompagnements individuels pour le choix d’une formation avec des séances d’immersion. Le dispositif, inédit, peut-être appelé à se répété vu son succès auprès des principales concernées. Il prendra fin mi-juin.

Source : Marjorie Queuille – www.lepopulaire.fr – Publié le 21/03/2019 à 18h10