Colloques et conférences – Colloque national «nos idées sont notre futur», jusqu’à ce soir au cinéma la strada

Depuis hier et jusqu’à aujourd’hui, se tient, au cinéma La Strada à Decazeville, un colloque national regroupant une trentaine de communes de France connaissant le même sort que les villes du Bassin.

Mieux cibler ses atouts, mettre derrière soi ses handicaps pour mieux rebondir et avancer face à un phénomène de désindustrialisation ayant entraîné des pertes d’emplois et de population, voilà l’objectif du colloque national qui se tient jusqu’à ce soir à Decazeville. Une restitution devrait être réalisée pour les habitants du Bassin à l’issue de ces rencontres réservées aux élus locaux, régionaux, aux parlementaires, chercheurs, universitaires, partenaires sociaux, entreprises. Divers acteurs locaux ont ainsi réfléchi ensemble à des perspectives de territoires nouveaux.

«Lorsque vous avez une perte d’emplois massive, automatiquement un déficit migratoire se met en route : les jeunes actifs ne parviennent pas à trouver de l’emploi sur le territoire et partent ailleurs pour chercher de l’emploi», constate le géographe Laurent Chalard, docteur en géographie depuis dix ans à la Sorbonne.

Un mécanisme de déclin démographique qui s’accentue et entraîne, selon lui, «un déficit naturel». Car pour lui, ce sont les jeunes qui partent et non les personnes âgées. Trente ans plus tard, cette perte de population entraînera ensuite un déclin démographique. «Quand vous avez plus de décès que de naissances, vous êtes obligés de faire venir des gens de l’extérieur pour rétablir ce solde migratoire», étaye le chercheur, auteur d’un article sur les communes en déclin entre 1962 et 1999, des communes ayant perdu plus d’un tiers de leur population active après la perte d’une industrie, à l’image de Decazeville.

Il constate que le rétablissement de ce solde migratoire engagé par les communes s’établit souvent malheureusement sur la même tranche de population : des personnes plus âgées. «La grosse difficulté des territoires tels que le vôtre est donc de faire venir surtout des jeunes actifs de l’extérieur». Seule la création d’emplois peut être source d’un retour d’attractivité, selon lui.

«Les seules métropoles qui sont attractives sont celles qui créent de l’emploi», poursuit-il. Pour lui, pour que ces communes ayant les mêmes problèmes puissent peser au niveau de l’état, il faut avant tout qu’elles se «fédèrent entre elles».

Les communes devraient donc, comme l’explique aussi l’économiste Denis Carré, chercheur au laboratoire EconomiX à Paris-Nanterre, «coopérer» et «développer leurs relations avec d’autres territoires, à l’image de la Mecanic Vallée qui va au-delà des frontières locales», souligne l’économiste parisien.

Michel Simon, premier adjoint au maire de Cahors et président du réseau «éco développement des petites et moyennes villes du Massif Central», relève aussi un phénomène de «métropoles galopantes», évoquant des territoires «agressés par une mondialisation irréversible». Des entrepreneurs étaient également présents à ce colloque tels que le PDG de STS, qui participe à un projet de création d’une machine d’aligot, ainsi que celui de la SNAM à Viviez avec son projet «Phœnix» de recyclage de batteries qui devrait aboutir à la création de plus de 600 emplois sur le Bassin.


Les élus réunis pour cette journée

Hier, les élus sont aussi intervenus lors de ce colloque. Le président du département, Jean-François Galliard, a insisté sur la nécessité d’offrir aux populations «ce qu’elles peuvent trouver ailleurs que dans nos départements ruraux». La députée LREM, Anne Blanc, a fait le constat de métropoles arrivant «à essoufflement», «saturées en terme de pollution» avec un coût de la vie qui n’est pas le même que sur ces communes rurales. Elle a insisté sur la «qualité de vie» du territoire à offrir aux gens de l’extérieur. Le sénateur Alain Marc a quant à lui rappelé le fait que Decazeville a été récemment classée en ZRR (zone de revitalisation rurale) pour que certaines de ses entreprises puissent bénéficier de défiscalisation.


Le chiffre : 75

Entre 1968 et 2014> Le nombre de communes en déclin comme Decazeville. C’est le chiffre relevé par le géographe Laurent Chalard. En 1935, la ville de Decazeville abritait près de 15 000 habitants. C’était l’une des villes les plus peuplées du département.


Au programme de la 2e journée

À 9 heures. Deux ateliers en parallèle : Éric Chauvier, anthropologue ; Arnaud Mirabel, paysagiste, et Louis Canizares, architecte, tenteront de «panser le passé»; Lilian Cantos, société Ondulia ; Éric Nottez, groupe SNAM ; Alain Picasso, agence EDF, et Davy Lagrange, campus des métiers, évoqueront les «Métiers de demain».

À 10 h 30. «Des territoires et des atouts». Échanges et débats avec Laurent Chalard, géographe, consultant ; Nicolas Goetzmann, économiste et conseiller financier ; Denis Carré, chercheur associé au laboratoire EconomiX ; Franck Chaigneau, expert «développement rural».

À 11 h 45. Synthèse des deux journées. «Pour une fédération des énergies et projets futurs», avec Jean-François Galliard, conseil départemental de l’Aveyron ; Arnaud Viala, député de l’Aveyron ; Franck Chaigneau, expert «développement rural».

Conclusion et synthèse générales par François Marty, maire de Decazeville.

À 13 heures. Exposition de producteurs locaux, buffet.

À 15 heures. Clôture des premières «Rencontres de Decazeville».


Éric Chauvier, anthropologue spécialisé dans l’urbanisme à l’école d’architecture de Versailles

L’enseignant à l’école d’architecture de Versailles a lui-même grandi dans une petite ville, à Saint-Yrieix-la-Perche. «Il s’agissait d’une petite ville autrefois prospère où aujourd’hui, l’industrie a été très touchée», explique le chercheur, auteur de «La Petite Ville» aux éditions Amsterdam qui retrace l’évolution socio-économique de sa ville d’enfance après la fermeture des mines, de son abattoir et de ses usines. «J’ai voulu écrire ce livre sur cette ville dans laquelle j’ai grandi et sur tous ces territoires qui souffrent». Aujourd’hui, il mènera une conférence dans ce colloque, à 9 heures, «Panser le passé», où il dévoilera ses enquêtes. Avec ses étudiants en école d’architecture, le chercheur imagine de nouvelles solutions pour ces «petites villes. Ensemble, ils repensent les villes rurales à travers des projets architecturaux tels que des fermes écologiques, des structures pour tester les plantes dépolluantes dans des zones postindustrielles où les mines ont laissé des traces.

«L’architecture est un métier en mutation. On est de plus en plus amené à créer des projets hors des villes et des grandes métropoles.» Pour lui, des alternatives sont possibles. «Certaines sont plus judicieuses que d’autres. Souvent, les villes sont souvent enclavées». L’anthropologue estime qu’une profonde «inégalité» règne aujourd’hui en termes de mobilité entre les territoires dont souffrent le plus les villes enclavées.

Il prend pour exemple un article du «Monde diplomatique», paru en mai évoquant la distance entre Montluçon-Paris. «On est plus rapidement à New York». Que les habitants, les acteurs locaux, se réapproprient leur territoire serait aussi, selon lui, la véritable réponse à cettedésertification. C’est en multipliant «les petites initiatives» venues de l’intérieur que les choses peuvent changer, selon lui. «Ça passe par une dimension collective et participative où le citoyen est lui-même acteur». Il faudrait aussi, selon lui, attirer des urbains en créant plus d’événementiel, de circuits courts par exemple. «Tout ce qui peut faire que les gens aient envie de rester sur le territoire» comme des écoles Montessorri.

Source: A. C. – www.ladepeche.fr – Publié le 08/06/2018 à 08:43 – Une réflexion est menée sur les communes rurales